jeudi 20 août 2009

LATIN AMERICA : Brésil

Haut les mains !
Pourquoi mon taxi tenait-il tant, en quittant l’aéroport de Rio, à me faire passer par le Lac Rodrigo de Freitas, autour duquel s’étend une partie chic de cette ville tentaculaire ? “ Patientez un peu”, m’avait-il dit . Et de fait ma surprise fut grande. Des milliers de croix de bois blanches flottaient sur le lac. “ Il y en a au moins 50.000 “, me dit le chauffeur. “ Elles représentent le nombre de morts tués par arme à feu l’an passé !”.
L’écho du referendum sur la vente d’armes a du parvenir en France. Ici au Brésil le résultat a mis le bon peuple dans le désarroi. Quant à l’observateur étranger, il ne comprend pas cette palinodie des Brésiliens. Sur dix personnes interrogées avant le 23 octobre, neuf m’avaient dit qu’elles voteraient “ OUI “ à l’interdiction. La dizième prétendant qu’une loi dans ce sens ne ferait que faciliter les exactions des bandits .
Vous imaginez la surprise le 24 octobre quand plus de 60% des votants ont déposé le bulletin “ NON”. A souhaiter que la question ait été bien comprise car l’épouse de mon ami Inacio chez qui je passe le week-end m’a avoué: “ Je me suis trompée. En choisissant “ NON “, je pensais voter CONTRE la vente d’armes”.
Un autre Brésilien m’a dit que beaucoup de ses compatriotes avaient voulu manifester leur mécontentement, certains contre l’obligation du vote et d’autres déçus par la corruption au sein du parti du Président da Silva . Bernie

2005 Ano do Brasil na França
Il m’a fallu débarquer à Sao Paulo pour apprendre que la France avait fait de 2005 l’ “Année du Brésil” .
Ce Brésil qui a retrouvé la démocratie en 1985 le jour où fut élu le 1er président civil. Pas de chance : Tancrède Neves est mort avant d’entrer en fonction.
Son successeur, José Sarney, qui démocratise l’élection présidentielle, puis Fernando Collo de Mello n’arrivent pas à stabiliser la dette extérieure. Pour exorciser l’inflation la monnaie change de nom, d’abord Crozado, puis Real il y a dix ans. Décidément victime d’un destin délétère le Brésil, sous Fernando Henrique Cardoso , est confronté à une sécheresse qui dévaste le Nordest.
Aujourd’hui le Brésil est dirigé par “ Petit Louis “, en portugais “Lula “. C’est l’enfant d’une famille modeste qui dut fuir la misère du Nordest. Il a 60 ans et six frères et soeurs. Il n’avait pas 12 ans quand Lula aidait déjà sa famille à vivre en gagnant quelques sous comme cireur de chaussures ou marchand de bonbons dans les rues. A 14 ans il devient ouvrier et conscient du sort affreux des plus démunis. A 15 ans il entre dans le syndicalisme. Ses talents de tribun l’envoient en prison.
A 35 ans il crée le Parti des Travailleurs et après deux tentatives ratées, à peu de voix près, il est élu en octobre 2002.
L’Afrique eut son Mandela, Le Brésil a son Louis Ignace do Silva . Dommage que quelques brebis galeuses soient venues entacher de corruption l’action de Lula .
Bernie

Ineffable Brésil

Parlez Brésil à un Européen, il entend carnaval, samba, football, plages bordées de cocotiers. Pour moi chaque visite est un euphorisant. Même si la pauvreté est omniprésente, il suffit de musique pour remplir un indigent brésilien de joie de vivre et d’insouciance. Et c’est si communicatif qu’on ne marche pas dans la rue, on danse en permanence. D’autant plus que communiquer est dans le sang brésilien.
Le Brésil : un continent à lui seul - seize fois la France, peuplé de 170 millions d’habitants de toutes les couleurs. Que ceux qui croient que le racisme n’existe pas ici se détrompent. On ne se mélange pas. Il y a vingt ans j’ai même appris que bien des femmes ébène sollicitaient le blanc de passage dans l’espoir de procréer un enfant moins noir que sa mère, qui aurait ainsi plus de chance dans sa vie. Cela n’a pas changé
Face au destin le Brésilien a toujours le sang chaud et le contraste est frappant avec d’autres peuples, notamment d’Europe orientale au temps du soviétisme, pourtant aussi peu nantis.
Sur les murs des villes et villages le tagging est présent: curieux de voir les slogans du genre : “ Dieu seul te sauvera”, “ Pour gagner un seul atout: Jésus”, “Aimez-vous les uns les autres”, côtoyer les affiches publicitaires. L’entrepreneur des pompes funèbres lui-même, pour vanter la qualité de ses cercueils, n’hésite-il pas à annoncer en lettres de néon éclatantes:”Nous offrons le meilleur vers la vie nouvelle”.
Pauvreté, certes, mais pas misère. Il est vrai que le climat y est pour quelquechose.
“P’tit Louis” comme appellent les Brésiliens le Président da Silva, n’a pas de chance . Ancien dirigeant syndical, chef du Parti des Travailleurs, son élection, en octobre 2002, rappelait celle du socialiste S.Allende 30 ans plus tôt, ou celles d’H.Chavez au Venezueal et de l’Equatorien L.Gutierez , il y a sept ans. Autant d’indications pour les tenants de la mondialisation en Amérique latine, que la fête semble bien terminée, au grand dam de l’Oncle Sam.
Il a du pain sur la planche, Luiz Inacio da Silva, avec ce pays, dizième puissance industrielle mondiale, où 1% de la population possède encore plus de la moitié des richesses naturelles ( café, sucre, cacao, soja, sans parler de l’acajou dont la folie fait disparaître chaque année 15.000Km2 de forêt amazonienne, le poumon de la planète).
Lula, le président mythique d’une superpuissance fragile, s’est engagé à “Fome zero “ ( à manger pour tout le monde ) et à “ Bolso familia “ ( contre la pauvreté et pour la fréquentation scolaire). Il avait dénoncé les magouilleurs lors de son investiture, et voilà que la corruption vient gangréner son propre parti.
Simple, chaleureux et toujours ouvert à l’écoute des plus petits, il avait décidé d’interdire la vente d’armes ( 100 personnes sont tuées chaque jour ), mais, démocrate dans l’âme, de subordonner l’adoption d’une loi dans ce sens à un réferendum. Patratas ! Plus de 60% des Brésiliens ont voté contre l’abolition.
Lucide, il a trouvé dans les méthodes américaines certains bienfaits du libre échange, la seule solution, d’après lui, pour inciter les gens à investir et partant , à créer des emplois. Il a signé des traités économiques avec la Chine, la Russie et l’Afrique du Sud pour contrebalancer le poids du grand frère américain du nord. Il fait tout pour se débarrasser de la paperasserie administrative. En un mot il agit sur tous les plans, mais le bon peuple s’impatiente : les résultats se font attendre. . . . . . .


A chaque fois qu’on quitte le Brésil, c’est une sorte de “ saudade” qui vous serre le coeur. Peut-être est-ce aussi en cette fin novembre parce qu’on quitte le printemps pour affronter l’hiver du septentrion. Bernie

Curitiba , la ville idéale

Ma dernière visite dans cette ville brésilienne du Parana, perchée à mille mètres d’altitude remontait à plus de trente-cinq ans. Je ne la reconnais pas .
Les Indiens l’avaient nommée “ Beaucoup de Pins “. Les conquérants portugais l’appelèrent “ Notre Dame de la Lumière des Pins”, mais au XVIII°s. elle retrouva son nom original.
A la fin du XIX°s. c’est par milliers qu’affluèrent immigrants nippons, suisses, français et à leur suite Libanais, Russes, Hollandais et bien sûr Chinois, qui tous cohabitent pacifiquement. On est loin de la violence de Sao Paulo ou de Rio.
Quand je l’ai découverte en 1970 les transports publics étaient de bruyants tramways et la saleté était omniprésente.
En ce mois de novembre 2005, début du printemps austral, la cité de trois millions d’habitants est une merveille d’organisation et nos Ministres de la Ville devraient venir y prendre de la graine.
Tout est propre comme en Suisse et fluide comme à Oslo, à commencer par un système de bus (dont des véhicules dits “express”, à trois voitures qui peuvent prendre plus de 200 voyageurs et ne s’arrêtent que toutes les dix stations) qui bénéficient de vraies voies rapides sans le moindre encombrement. Je n’ai jamais attendu un bus plus de deux minutes. Il y a en outre 150 km de voies cyclables où la sécurité est totale.
Les services sociaux appelés “ Phares du Savoir” sont tous de proximité qui gèrent vraiment les problèmes quotidiens, notamment par un service médical gratuit ouvert 24H sur 24 avec médecin généraliste, pédiatre, gynéco, pharmacien , dentiste, etc . On m’a dit qu’il y avait plus de 300 crèches. Ces “ Phares du Savoir” offrent en outre à tous les jeunes de 14 à 17 ans qui le souhaitent une formation professionnelle gratuite, tous les soirs après l’école, de 18h à 21 h.
Curitiba plairait à nos écologistes : chaque habitant qui apporte au centre municipal de son quartier 4 Kg d’ordures ménagères triées reçoit 4 kg de légumes frais plus un ticket de bus. S’il ne veut pas des légumes, on lui offre un billet de théâtre.
Quant aux espaces verts, ils se répartissent dans une trentaine de parcs où on ne déplore jamais la moindre dégradation.. Mais je n’ai point trouvé M. le Consul à Curitiba.
Un vrai modèle à imiter. Bernie

2005 Ano do Brasil na França
Le Brésil a retrouvé la démocratie en 1985 le jour où fut élu le 1er président civil.
Pas de chance : Tancrède Neves est mort avant d’entrer en fonction.
Son successeur, José Sarney, qui démocratise l’élection présidentielle, puis Fernando Collo de Mello n’arrivent pas à stabiliser la dette extérieure. Pour exorciser l’inflation la monnaie change de nom, d’abord Crozado, puis Real il y a dix ans. Décidément victime d’un destin délétère le Brésil, sous Fernando Henrique Cardoso , est confronté à une sécheresse qui dévaste le Nordest.
Aujourd’hui le Brésil est dirigé par “ Petit Louis “, en portugais “Lula “. C’est l’enfant d’une famille modeste qui dut fuir la misère du Nordest. Il a 60 ans et six frères et soeurs. Il n’avait pas 12 ans quand Lula aidait déjà sa famille à vivre en gagnant quelques sous comme cireur de chaussures ou marchand de bonbons dans les rues. A 14 ans il devient ouvrier et conscient du sort affreux des plus démunis. A 15 ans il entre dans le syndicalisme. Ses talents de tribun l’envoient en prison.
A 35 ans il crée le Parti des Travailleurs et après deux tentations ratées à peu de voix près, il est élu en octobre 2002.
L’Afrique eut son Mandela, Le Brésil a son Louis Ignace do Silva dit Lula
B e r n i e .


VENEZUELA
( = “la petite Venise”)
antichambre de l’Amérique du sud, à 7.600 Km de Paris

C’est ainsi qu’en l’an 1498 les explorateurs espagnols nommèrent cette terre, lorsqu’ils découvrirent que les habitations des Indiens étaient perchées sur pilotis
La langue est l’espagnol et la religion, à 97% , catholique romaine.

Situé à la latitude (nord) de 10° le Venezuela s’étendrait entre Dakar et l’Equateur. La longitude ( ouest) de CARACAS, la capitale, (66°) est celle de Québec. La bonne saison pour une visite s’étend du 1er décembre au 31 mars.Autrement c’est la saison des pluies.

Classer le Venezuela tient de la gageure : il suffit de se rendre de l’aéroport Simon Bolivar à Maiquetia jusqu’au centre de la ville pour en 40 minutes cotoyer toute la palette des situations sociales. Lors de ma dernière visite, c’est une belle Américaine qui me servit de taxi - une de ces limousines rutilantes des années 50 comme on en trouve encore à La Havane ou à Istanbul. Les tunnels que l’on a percés à prix d’or (probablement le cm le plus cher du monde) traversent les montagnes environnantes dont les flancs sont couverts d’affreux bidonvilles. Regardez de plus près et vous verrez qu’il y a cependant une antenne de télé presque sur chaque toit de tôle.

Dès l’abord de la ville les gratte-ciel ultra-modernes se multiplient, enserrant des artères routières où , se frayant un chemin entre les véhicules , abondent les petits marchands de cassettes, de tee-shirts et de boissons fraîches.

CARACAS, comme le reste du Venezuela a eu ses “ 10 glorieuses “ de 1973 à 83. En une nuit, le prix du pétrole, en ce mois de novembre 1973, a quadruplé et enrichi tant de Vénézuéliens que leurs voisins envieux de Colombie, du Brésil et de Guyane ont sunommé le pays : “ Saoudi Venezuela”. Une décennie plus tard, avec la baisse du pétrole, c’était le crash. Mais riche ou pauvre, la Caracas de cette fin de siècle reste le lieu le plus américanisé d’ Amérique du sud , avec 80% de sa population, au dessous de 20 ans , accro de baseball, de fast food , de feuilletons télévisés hollywoodiens et de M T V .

A une journée de bus pourtant, vous trouvez le pays tel que l’a laissé le XIX° s., tant dans les Andes de Merida , les villages de pêcheurs de la côte caraïbe que dans les comptoirs, type far west, de la jungle amazonienne. Mais même si les cowboys locaux qui habitent les “ranches” des Llanos, vivent la même vie que leurs ancêtres, leurs “hatos” sont souvent surmontés de paraboles - satellites.
Ce mélange de haute technologie et de traditions, perceptible dans tout le pays, ne doit pas faire croire au visiteur étranger que tout marche bien et vite. L’esprit de procrastination, le “ manana “ fait du temps et de l’heure un concept fort élastique : les transports publics sont toujours en retard, les correspondances laissent à désirer. Quant aux rendez-vous, neuf fois sur dix, ils ne se matérialisent pas. Mais tout cela participe du génie du Venezuela.

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1 / Ce qu’il faut voir au Venezuela :
Si on met à part les basses terres de Maracaïbo qui n’ont d’intérêt que pour les professionels du pétrole et de l’industrie annexe, quatre pôles d’attraction méritent le déplacement : Caracas
les vastes plaines des Llanos et leurs ranches (hatos)
le monde perdu de Bolivar avec Canaima
et la perle des Caraïbes : l’archipel des Los Roques

C A R A C A S ( 4 millions)
La capitale dispose de 5 hôtels de haut standing dont le Tamanaco de la chaîne InterContinental, situé sur l’Avenida Principal de Las Mercedes dont la situation géographique, au sommet d’une colline, offre une vue magnifique, et à proximité, le plus grand complexe commercial du continent ( C C C T = Central Comercial Ciudad Tamanaco ).
C’est le conquistador Denis de Losad qui le 25 juillet 1567 fonda la capitale actuelle dans le hameau agricole des farouches Indiens de la tribu Caraca. St Jacques de Leon de Caracas, comme elle s’appelait au XVIII° s., n’a pas l’impact culturel de Lima, de Quito ou de Potosi. Il y a moins d’un siècle la capitale était encore une modeste cité aux arbres nombeux où les maisons chaulées de plain pied émaillaient les champs des agriculteurs. Hormis le paludisme, un tremblement de terre occasionnel ou une razzia de pirates, rien n’est venu secouer la torpeur du début de ce siècle. La seule structure visible, à des kilomètres à la ronde, était alors la cathédrale.
En 1955 Caracas avait un million d’habitants. C’est en 1960 que les gratte-ciel cachèrent le clocher de la cathédrale. Depuis 30 ans la population a quadruplé, ce qui explique la fréquente pénurie d’eau , les embouteillages automobiles inénarrables et la mauvaise qualité des P.T.T.
Une exception vient confirmer la règle : le métro , construit par la France et inauguré il y a dix ans, après douze mois de campagne éducative à l’adresse des Caraquenos: “ Attention ! Toute bousculade, graffiti , cris seront sévèrement punis.E t rappelez-vous qu’il est interdit de manger, boire, etc... dans le métro “. Si vous l’empruntez, vous noterez que se déplacer sous terre est un délice par rapport aux transports de surface.
Le chaos et la pollution sont tels dans les rues qu’à l’instar d’Athènes, Caracas a institué le “ dia de parada “. Selon que votre plaque d’immatriculation porte un numéro pair ou impair, il y a un jour dans la semaine où vous êtes interdit de circulation. Mais comme les Athéniens, les Caraquenos ont trouvé la parade au “parada”: ils achètent une seconde voiture au numéro différent.
Et la population augmente sans arrêt, grossissant notamment des immigrants péruviens, équadoriens ou colombiens pour qui un visa, vrai ou faux, est plus facile à obtenir au consulat vénézuélien qu’au consulat des U.S.A.
Même si vous voyez les entrées d’immeubles occupées, la nuit, par des sans-abri, la pauvreté est moins visible qu’à Rio ou à New York et les mendiants plus rares.
Ce qui m’a frappé à Caracas, c’est l’esprit d’entreprise de tout ce petit peuple. Combien de secrétaires vendent des cosmétiques hors des heures de bureau;





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combien de cadres de banque possèdent des magasins de vêtements, combien de coiffeurs sont agents immobilers le soir et le week-end !

L’itinéraire touristique comprend :
- la Plaza Bolivar, avec la cathédrale, ses pigeons et ses écureuils, l’archevêché, le Conseil Municipal, le Capitole et la Casa Amarilla ( leur Quai d’Orsay),
- Sabana Grande, boulevard pietonnier de 2 km, et son Gran Café où le gotha vénézuélien refait le monde chaque matin;
- Quinta Anauco, une superbe hacienda de l’époque du café, rénovée, sur l’Avenida Pantéon ( San Bernardino);
- Parque Central ( 44 étages) où se trouve Corpoturismo ( Office de Tourisme).

C A N A I M A
En 1885 le romancier Sir Arthur Conan Doyle assistait à Londres à une série de conférences données par le botaniste Everard Im Thuru, le premier homme à avoir escaladé le Mt Roraima dans l’état vénézuélien de Gran Sabana, inconnu du monde européen. En 1912 l’inventeur de Sherlock Holmes publie “ Le Monde Perdu “ et décrit un haut plateau sud-américain semblable au Mt Roraima, peuplé de dinosaures géants et de singes coupés de l’évolution des espèces ( “le chaînon manquant”). Depuis cette publication, la région ( 500.000 Km2) s’appelle “El Mondo Perdido “. C’est le bouclier guyanais, formé de massifs ( “tepuis” en indien local), vieux de près de 2 milliards d’années, qui s’élèvent à 1.500 mètres au dessus de la forêt tropicale. On y trouve des lichens, des mousses et des centaines de variétés d’orchidées qui rappellent la flore des Galapagos. Quant à la faune, hormis certains insectes typiques de chaque “ tepui”, vous rencontrerez des Indiens Pemon, peu de colons espagnols, beaucoup de jeunes militaires en raison des frontières proches de la Guyane et du Brésil, quelques mineurs , des intellos ratés de Caracas et des touristes étrangers ébaubis. L’ambiance est presque mystique. En général on va de Caracas à Ciudad Bolivar en jet, puis en DC 3 de C.B. à Canaima. C’est dans les parages ( El Dorado ) qu’a été repris notre Papillon après son évasion de l’ Ile du Diable.
Canaima a été créée en 1955 comme base de services pour les touristes se rendant au Parc National ( 3 millions d’ha ). Le site est superbe avec le Rio Carrao qui s’élargit en un lagon ourlé d’une plage de sable rose, plantée de palmiers.
C’est à proximité que se trouvent les chutes les plus hautes du monde ( 972 mètres, c’est à dire 15 fois plus hautes que celles de Niagara) découvertes par hasard par un jeune pilote, originaire du Missouri, en chômage à Panama City. Un ingénieur mexicain lui avait demandé de noliser son monoplan Flamingo pour $5.000 pour l’emmener sur l’un des “tepuis” de Gran Sabana à 1.000 m. d’altitude pour chercher de l’or. En trois jours ils avaient amassé 336 Kg d’or et s’ arrêtèrent de chercher pour ne pas surcharger l’avion. L’avion, le “ El Rio Coroni”, est exposé près de l’aéroport de Ciudad Bolivar, et le pilote à la pige s’appelait Jimmy ANGEL, d’où le nom des chutes.
Canaima attire de plus en plus de touristes. Les autochtones offrent tous le “bed & breakfast”, mais le “bed” est presque toujours un hamac. Parmi les “lodges” hôteliers, le “ AVENSA” est un camp de luxe. C’est là que les amateurs achètent or et diamant en direct des inventeurs.






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LOS LLANOS (300.000 Km2)

C’est comme la pampa en Argentine ou l’Outback en Australie, si vous étiez à la Convention de Melbourne en 1993. C’est devenu la grande plaine à bétail au XIX°s. Et bien que déclinant, ce l’est resté. Les Llanos représentent un tiers de la superficie du pays, mais jamais je n’ai rencontré à Caracas un Venezuelien qui voudrait aller y vivre. Très peu de routes goudronées, les villes sont en état de léthargie et poussièreuses. Mais c’est à voir car les “ llaneros” (vachers) font partie de la mythologie, et la faune est variée : oiseaux inconnus ailleurs, crocodiles, jaguars, chauves-souris, marsouins d’eau douce, pumas.
C’est en 1548 que 11 familles espagnoles installèrent le premier ranch ( hato ). En 1920 lorsque Rockefeller découvrit le pétrole sur la côte, les Llanos passèrent aux oubliettes et ce jusqu’au moment où vers 1983 le prix du pétrole baissa.
De mai à novembre ( invierno) los llanos ressemblent à une mer intérieure; de décembre à avril ( verano) c’est presque le désert. Au delà de San Fernando, il n’y a pas d’hôtels, mais certains ranches, tels que Hato Pinero, se sont adaptés au tourisme international. Même si la chaleur s’avère accablante, et que l’aquatropisme vous démange, ne vous baignez pas, les eaux abondent en piranhas et anguilles électriques.



L A S R O Q U E S

“ C’est le paradis sur terre ! “ s’exclama Christophe Colomb en abordant l’archipel à 128 Km au nord de Guaira. Les 60 îles ( cayos ) offrent les plus belles plages du pays. Et ce n’est pas surprenant, on y trouve encore la nature à l’état pur et le calme total.

Le sable blanc affleure tout juste l’eau turquoise. Iguanes, lézards, tortrues marines, ibis , frégates et hérons abondent.

Plongez à deux mètres et la gente ichtyologique vous émerveille. Mollusques, éponges et coraux sont à portée de main. Un baracuda occasionnel à portée de fusil.

La seule île habitée en permanence est Gran Roque ( 3 km sur 1 km ). Une piste en dur permet de ravitailler les 150 familles de pêcheurs par tout temps. Les spécialités culinaires du lieu sont le “ sancocho de pescado “ et le consommé de “chipi chipi “ dont l’ingrédient principal est des petites palourdes dites aphrodisiaques.


B E R N I E

Cuba à deux vitesseS
(ou 40 ans de paradis infernal)

Lors de notre première visite dans cette île caraïbe,de la taille de la Bulgarie,en février 1980,il nous avait fallu frapper à la vitre de ce qui s’appelait l ’aérogare pour que l’on nous ouvre la porte. Les touristes se faisaient rares. En l’absence de vols au départ de Paris, nous avions même dû passer par Prague . Douaniers et policiers étaient hautains et nous avions dû changer notre argent convertible en roupie de sansonnet, le péso cubain. C’était pire que Sparte, pourtant sous les tropiques, et la morgue soviétique déteignait sur le visage des fonctionnaires.

Quand en janvier 1990 notre avion des Cubana Airlines, cette fois en provenance d’Orly, atterrit à la Havane, l’ambiance avait changé. Le hall de l’aérogare était trop petit pour contenir la foule des arrivants. Les fonctionnaires arboraient un sourire engageant. Le mur de Berlin tombé et ses espoirs d’exportation sucrière évanouis, Fidel mettait le paquet en faveur du tourisme “ capitaliste “ et semblait faire contre mauvaise fortune bon coeur. Plus de Soviétiques à l’horizon, mais beaucoup d’Européens , des Canadiens , et même des Américains qui, contrevenant aux ordres de leur gouvernement, étaient allés prendre l’avion à Toronto ou Montréal, puisque aucun vol n’était autorisé au départ des Etats Unis. Le policier cubain , bon enfant , au moment d’apposer son cachet sur le passeport du “ gringo “ , intercalait prestement une feuille de papier entre le passeport et son cachet avec un clin d’oeil au porteur. Il avait rempli son office et pourtant il n’avait laissé aucune trace suspecte sur le passeport, évitant ainsi au voyageur désobéissant et “ téméraire” les foudres de l’immigration américaine lors du retour aux USA. A l’aéroport tout avait été repeint et il y avait même des boissons fraîches au bar. C’est que tarie l’exportation de sucre vers les pays-frères du monde socialiste, le touriste était devenu la manne bénie, et indispensable, qui tombait du ciel. Il fallait le choyer . Averti, je n’avais changé que dix dollars en pesos, le minimum légal, et bien m’en prit. En effet, hormis les timbres de la poste, c’est en dollars qu’il nous avait fallu régler toutes nos dépenses.

En cet hiver 2000, les contrôles habituels m’ont paru inexistants, même si , m’a-t-on dit, la police reste omniprésente. Le Cubain se méfie de tout compatriote qu’il ne connaît pas. Il paraît qu’une personne sur deux fait partie des R.G., un peu comme dans l’ancienne RDA avec la stasi. Ma première surprise fut la découverte de supermarchés bien approvisionnés; ce qui n’était pas le cas une décennie plus tôt . Même en chocolat suisse, denrées biologiques et cigarettes américaines. De plus les vendeuses parlent anglais en plus de l’espagnol. Sommes-nous vraiment à Cuba ? C’est que d’une part il paraît que la loi Helms-Burton, une trouvaille du Congrés américain, a été assouplie. Les Américains qui prétendent gérer la planète depuis la disparition de l’ URSS ont voté cette loi leur permettant de poursuivre en justice les entreprises étrangères qui oseraient investir à Cuba ! La seule implantation par exemple d’hôtels du groupe Accor ( Novotel, Coralis,etc. )à La Havane ou sur la plage de Varadero, ou de la chaîne espagnole Sol Melia a provoqué des remous arrogants à Washington. L’Oncle Sam a toujours eu deux sortes de réactions à l’endroit de ses anciens “ennemis” Ou bien ceux-ci sont vaincus et font amende honorable ( c’est le cas de l’Allemagne, du Japon et de l’ URSS) et la mansuétude américaine n’a alors aucune limite. Des faveurs multiples choieront les anciens adversaires dans une ambiance de paternalisme impertinent. Ou bien l’adversaire résiste et ne met pas les pouces: alors Big Brother vexé use de toutes les brimades ( c’est le cas du VietNam et de Cuba ).

Une autre raison : Fidel, fils d’un riche planteur et ancien élève des Jésuites, a légalisé le billet vert. Et c’est justement cette monnaie qui met Cuba à deux vitesses, au point qu’on entend parler d’apartheid. Avec le dollar, vous pouvez tout acheter, vraiment tout ! Le hic c’est que, hormis les aparatchiks, les possesseurs de dollars ne représentent qu’une infime partie de la population: ceux qui reçoivent de l’argent de leur famille réfugiée en Floride et ceux qui travaillent dans le tourisme et côtoient les étrangers . Le marché noir fait florès, mais le Cubain moyen, devant cette corne d’abondance, n’a que le plaisir des yeux. CUBA, après quarante ans de révolution et trente-huit ans d’embargo économique , serait-elle redevenue, comme au bon temps de l’infâme Fulgencio Batista, la cour de récréation des Etats-Unis ? Les yachts battant pavillon “Stars and Stripes” sont revenus dans le port de La Havane. Ils y sont fort courtisés. A ma question un propriétaire mouillant dans la Marina Hemingway m’a dit qu’il était de Puerto Rico, donc citoyen américain. Il avait seulement détourné la loi en passant par Kingston en Jamaïque .

A l’entendre , Fidel Castro, économie mise à part, malgré ses 74 ans, ne fléchit pas . C’est “ La Révolution ou la mort “ , comme le proclament, en lettres rubicondes, affiches murales et calicots. Il est d’autant moins enclin à céder que , depuis trois ans, il a remporté de multiples victoires diplomatiques : la visite de Jean-Paul II en janvier 98 qui n’a pas hésité à fustiger depuis La Havane l’embargo américain , et la réception affectueuse que le Pape lui a réservée au Vatican; la visite de Jean Chrétien l’assurant de l’appui total du Canada; la visite d’une délégation du CNPF l’assurant du soutien de la France, et pour couronner le tout, pesons nos mots, celle du roi d’Espagne , Juan Carlos , l’an passé. Au point que l’intégration de Cuba parmi les pays de la Caraïbe progresse à grands pas au grand dam des Républicains américains.

L’autre face de la médaille est affligeante. La pauvreté endémique de la majorité de la population crée un hiatus abyssal. Le mobile vulgus a du mal à trouver au magasin du coin des jouets en carton pour le Noël des “ chicos “, ou des couverts tout simples , même rouillés, alors que de rutilantes Nissan, flambant neuf , emmènent les touristes étrangers dans des hôtels restaurés à grands frais où chaque chambre, dotée du confort moderne , est entre autres équippée d’un récepteur de télé Sony captant CNN et TV5.

Le résultat est que , à l’instar des retraités moscovites qui croupissent dans l’indigence, les Cubains ont la nostalgie des “ belles années” passées sous le régime du frère soviétique. “ Au moins, en ce temps-là, tout le monde mangeait à sa faim, avait du travail et le droit aux soins médicaux du berceau à la tombe “ entend-on répété. Le fait est que la pauvreté supportée à égalité est moins cruelle .

Il faut accorder trois bons points à la Révolution castriste : l’égalité entre ceux qui n’appartenaient pas à l’establishment, l’éducation et la santé . Avant que Castro ne prenne le pouvoir, des millions de Cubains vivaient dans le dénuement et la disette. L’illétrisme touchait 80% de la population et la santé était en cachexie. Avec Fidel la scolarisation est passée de 15% à 76% et les facultés de médecine ont produit des milliers de praticiens de qualité , dont bon nombre ont été envoyés dans les pays frères sous-développés. On ne peut se faire une idée objective de ces succès qu’en comparant Cuba au reste de l’Amérique latine .



Dans toutes les rues on peut voir les “ belles américaines”, Chrysler, Buick et autres Studebaker, datant des années ‘50. Une fois par semaine les propriétaires les sortent du garage , en les poussant, les lavent , les astiquent, puis les poussant derechef, les rentrent pour huit jours . . . car ils n’ont pas d’essence. Cette pénurie de carburant fait que , souvent, à la Havane ou dans les autres villes, les nuits sont noires faute d’électricité. Mais je n’ai pas remarqué une seule panne dans les hôtels, boites de nuit et restaurants où l’on paye en dollars. Il y a vraiment quelquechose de pourri au Royaume de danMarx !

Une amie de rencontre, Rolanda, professeur de physique à l’Université, m’a avoué qu’elle ne désespère pas. Que Cuba peut réunir le meilleur des deux systèmes: les avantages du socialisme et les richesses de la libre entreprise. Elle est persuadée que Cuba a tout pour réussir où la Russie actuelle, que ce soit celle de Yeltsine ou celle de (Ras)Poutine, a échoué. “ Il nous suffirait de privatiser tout ce qui n’est pas la police et l’armée. On en a assez des “ -isms” ! Même si c’est à contrecoeur, on le sent, elle laisserait bien parfois l’Utopie marxiste glisser vers le diable capitaliste .

Le territoire est vaste ( 110.000 km2), la population ( 11 millions) est instruite et sait travailler. Malheureusement Castro a converti trop de terres arables à la culture de la canne, à l’époque où Moscou lui achetait son sucre à trois fois le prix moyen mondial.Quant à la fonctionarisation de la population, elle n’a eu comme conséquence que de la démobiliser.


Pour l’heure, Rolanda, lorsqu’elle a épuisé l’allocation mensuelle de riz ( 3 Kg), consommée en quatre jours, ou bien vend les vielles bottines de sa grandmère pour acheter des pommes de terre , ou bien va , à la campagne , glaner ce qui peut rester de bon dans les récoltes qui ont pourri sur pied. Elle se déplace à bicyclette ou dans l’arrière d’un camion poussif qui sert d’autobus. Le savon, le papier-toilette, le papier tout court , sont pour elle des réalités du passé .

A cinquante kilomètres au sud-est de la Capitale, nous sommes allés dans une ferme que possède un ami de Rolanda. Paco, outre ses obligations en canne à sucre, produit arachides, pommes de terre, café et patates douces. De plus ses trente-cinq hectares lui permettent d’élever porcs et moutons. Il ne se plaint pas et comme tout vrai paysan ne fait confiance qu’à lui-même et au ciel. N’utilisant ni engrais, ni pesticides, il y a pénurie à Cuba, il vend ses produits biologiques au supermarché de la ville où l’on paye en dollars. Mais lui est payé en pesos. “ J’en ai assez d’entendre geindre mes compatriotes, qui attendent tout de l’Etat !”. Paco, sur l’invitation de Rolanda qui avait sollicité de l’oeil mon acquiescement, est venu avec nous passer la soirée chez un autre ami de la Cubaine. Tous deux m’ont suggéré de garer la voiture de location dans une rue adjacente. Steak, langouste, cocktails et vins nous régalèrent. C’est que Rafaël, en tant qu’ingénieur diplômé , n’a pas le droit d’ouvrir un restaurant. Aussi uitilise-t-il une des deux pièces de son rez-de-chaussée comme débit de boissons. Il a des enfants et un besoin impérieux de dollars pour leur assurer une vie décente. La note, pour nous trois, s’est montée à $16. Une vétille pour moi, mais une fortune pour Rafaël. Malheur à lui, cependant, si un voisin, curieux et jaloux, le dénonce. J’ai alors compris pourquoi les autres tenaient à ce que la voiture soit garée à distance .




Une remarque: en deux semaines, je n’ai pas entendu un seul de mes divers interlocuteurs prononcer le nom de Fidel Castro. Tous , pour le nommer, se contentaient de se caresser une barbe inexistante .

En rentrant à La Havane Rolanda s’est confiée: “ Tu sais, dit-elle, que ce soit Paco ou Rafaël, tous deux regrettent la situation actuelle. Ils profitent des dollars car ils pensent que le Gouvernement les a trompés. Tous deux étaient de familles riches avant la Révolution et pourtant malgré leurs pertes, ils avouent avoir grandi moralement.

Quelques jours dans l’immense et somptueuse station balnéaire de Varadero, avec son aéroport international où atterrissent plus de dix compagnies aériennes canadienne et européennes dont AOM en provenance d’Orly, n’ont fait que confirmer mon impression générale sur l’importance du dollar dans cet avant-dernier bastion marxiste qui pactise avec le diable.

Les Cubains, hommes ou femmes, feraient n’importe quoi pour travailler dans l’un des quatre-vingts hôtels de Varadero. Le seul contact, licite en ce lieu, avec les touristes signifie dollars , donc vie facile. Et si les quadragénaires et plus âgés ont encore quelque respect pour la moralité , ici les jeunes de 20 à 35 ans placent le gain sous forme de billet vert en priorité. C’est chacun pour soi .

Une autre remarque : les Cubains de l’île nourrissent une haine viscérale pour leurs compatriotes réfugiés aux USA, crainte avivée ces derniers temps par les gesticulations de “ Little Havana “ à Miami, qui firent tout, mais en vain , pour garder aux USA le jeune Cubain rescapé des flots, au lieu de le laisser rejoindre son père au pays.

Castro sait utiliser ce nationalisme farouche pour faire de Washington le bouc émissaire des malheurs de son peuple. On peut dire que si Cuba va à vau l’eau, Castro, lui , reste “Fidel “ à son image de David face à Goliath. Serait-il damné, il restera le Parrain du peuple cubain.

A la différence des Russes qui n’ont jamais connu avant B.Yeltsine la démocratie, ou le capitalisme , de toute leur longue histoire, les Cubains, eux, savent ce qu’est le capitalisme débridé, et c’est en connaîssance de cause qu’ils n’en veulent plus. Ils verront bien, disent-ils, quand le Lider maximal mourra. Pour l’heure, c’est Cubassic Park , où les dynosaures font la loi.

Rien que pour la beauté de l’île, l’extraordinaire gentillesse de la population, l’absence de pollution et de cette sorte de misère que l’on trouve fréquemment en Afrique ou en Inde, la blancheur du sable à l’ ombre des cocotiers, le prix raisonnable d’un séjour et des services, la qualité des cigares, la sécurité et le climat, tout vous suggère d’imiter les deux millions annuels de visiteurs. ((((((((((((((Savez-vous que c’est à Cuba que l’on fait le meilleur cacao ? Je l’ignorais )))))))))))).Ce n’est bien sûr pas la destination idoine pour qui souffre d’un embarras castrique.

B e r n i e 27. 2. 12K

PANAMA
Avez-vous jamais regardé de près la carte du Canal de Panama ? Si oui, avez-vous noté que,fort curieusement,l’entrée Atlantique du chenal se situe nettement à l’ ouest et non à l’est de l’entrée Pacifique? Bonne question pour un champion.
En ce mois d’octobre 97, la circulation est intense dans le Canal. Notre cargo est le 10.183ème bâtiment à effectuer les 78 Km qui séparent Colon sur la mer Caraïbe de Balboa à l’autre bout, via les trois doubles écluses de Gastun, Miguel et Miraflores.
La Cie de navigation a dû payer 30.000 Frs de péage. C’est le tarif pour notre tonnage.”Et c’est une bonne affaire en fin de compte, précise le commissaire de bord, en comparaison de ce qu’auraient coûté les 12.000 Km imposés par le contournement du Cap Horn, sans compter le temps gagné.
Les Panaméens, dès que vous ouvrez la conversation, ont cet automne un sujet de conversation et deux noms de personnalités à la bouche :
* Hilary Clinton en vacances quelques jours dans la zone du Canal et
* Gustave Gorriti, un journaliste péruvien, réfugié à Panama depuis que le Président Fujimori a décidé de le liquider, appelons un chat un chat, pour le punir d’un reportage trop honnête. On dirait que du fond de sa prison de Floride, l’ex-dictateur Noriega a toujours son mot à dire dans les décisions panaméennes.
Gorriti, fort d’un visa de travail en bonne et due forme, travaille comme rédacteur en chef de la “ Prensa”, ce qui semble déranger les gouvernants de la république bananière, au point qu’il a reçu notification d’une expulsion imminente. Tous les pays démocratiques de la terre devraient s’insurger devant un tel acte. C’est ce que fait le Panaméen de la rue avec courage. Agé de 48 ans, père de deux fillettes, Gorriti, même s’il craint pour sa famille, n’a pas froid aux yeux: karatéka, haltérophile, ancien commando de Tsahal, il en a vu d’autres. Mais après avoir, dans ses colonnes, dénoncé les agissements frauduleux du Président péruvien, le voilà qu’il donne la preuve que le Président Balladores de Panama a été aidé, lors des dernières élections, par l’argent de la drogue colombienne. C’est trop pour un seul homme: il est encore trop de pays dans le monde où la vérité n’est pas bonne à dire.
* Quant au sujet de conversation, c’est le retour de la Zone du Canal à la souveraineté de Panama. Une rétrocession qui doit avoir lieu le 31 décembre 1999 à 18h ( heure française). Or voilà que les “colonisés” ne veulent pas que les colons ( américains) s’en aillent. C’est nouveau ! Précisons bien qu’il s’agit des “ Colonisés”, c’est à dire des Panaméens qui vivent et travaillent dans la Zone du Canal, avec un salaire cinq fois supérieur à celui en vigueur dans le reste du pays.
En effet le Panaméen hors Zone, pourrait-on dire, attend avec impatience la fin du siècle. Le cadeau de Jour de l’ An 2000, ce sera pour Panama la poule aux oeufs d’or, sous la forme de trois milliards de francs de péage qui tomberont, chaque année, dans l’escarcelle du pays.
Le Commandant de notre cargo semble pessimiste, lui qui depuis une décennie transite par le Canal dans son tour du monde triannuel : “ Avec les Américains, au moins, on est sûr du bon fonctionnement, mais quelle sécurité assurera une gestion panaméenne? Il est déjà question d’une forte hausse des péages pour janvier 2000.”
J’ai pu voir nombre d’immeubles nouvellement construits par les Américains et les Asiatiques. La Banque de Chine a pignon sur rue avec ses lions traditionnels et des gardes bien armés à l’ entrée .
Mais d’investissement européen, il n’y en a point !
Les Français souffriraient-ils encore de la déconfiture frauduleuse de Ferdinand de Lesseps, il y a un siècle ? Bernie
Panama, octobre 1997



Deux mots d’ histoire sur la Isla Hispanola



3 août 1492 Parti de Palos en Espagne, C.Colomb fait voile , avec 3 caravelles (Santa Maria, Pinta, Nina) vers l’Inde et la Chine en traversant l’Atlantique.
Vers la mi-octobre, il est persuadé qu’il arrive en Asie. Il découvre un volatile, inconnu en Europe, qu’il nomme incontinent “ gallina de India” (= poule d’Inde) que nous appelerons tout simplement “ d’ Inde “ , puis écrirons “ dinde “. En fait il est aux
Bahamas. Longeant les côtes de Cuba, il échoue le 6 décembre sur une autre île
vaste qu’il nomme “ la Isla Hispanola “. Séduit par la beauté du site et l’or qu’il
découvre dans un “ rio”, il fonde la 1ère colonie espagnole de l’hémisphère américain.
24 déc 1492 : Fondation du Fort de la Nativité, actuellement Monte Cristi sur la côte NO
6 fév.1493 : Colomb repart pour l’Espagne en laissant une 40aine de soldats sur place.
16 oct. : Colomb revient avec 1.500 hommes, des bovins, des semences et des plants de canne à sucre. Le fort et ses soldats ont disparu.Il faut punir les “sauvages”.
En nov. il fonde la 1ère ville d’Amérique entre Monte Cristi et Puerto Plata et la baptise “La Isabela” du nom de la soeur d’Henri IV, roi de Castille, épouse de Ferdinand d’Aragon.
En 1496 le petit frère de Christophe, Bartholomé Colomb fonde Santo Domingo qui devient capitale et l’est toujours.
C’est le début du “ triangle esclavagiste “ : l ‘ Afrique où l’on prend les esclaves, les Caraïbes où l’on produit le rhum et l ‘ ’Europe qui organise tout et s’enrichit.
Dès 1515 l’ Hispanola compte plus de 30.000 esclaves africains auquels viendront s’ajouter des esclaves indiens du Mexique et d’autres îles.


Une thèse fort plausible

Le corps de C.Colomb, mort en Espagne le 20 mars 1506, est emmené par Dona Maria de Toledo, veuve de Diego, fils de Christophe, à Saint-Domingue. Il est alors placé sous le maître autel de la Cathédrale de Santo Domingo.
“ Baron Cristobal Colon, Amiral de l’Amérique”.
Le 6 octobre 1992, en présence du pape Jean-Paul II, a lieu le transfert solennel dans le “ Faro a Colon” un mausolée cruciforme en béton armé, édifié sur une colline au centre du parc Mirador del Este. Le phare fait 33 mètres de haut, mais le mausolée est, lui ,de marble blanc de Carrare et de bronze. Le coût aurait été de 250 millions de dollars, même si officiellement, on annonce une dépense de 135 millions de pesos (13,5 millions de US$).


En 1603 l’Espagne délaisse l’ouest de l’ île et s’implante fermement à l’ est autour de Santo Domingo. C’est alors que les flibustiers français prennent possession de ce qui deviendra Haïti.
En 1789 la Révolution française incite un certain Toussaint l’Ouverture à organiser la révolte des esclaves.
En 1802 Napoléon s’empare de Toussaint et le déporte en Europe.
Le 1er janv. 1804 est proclamée la République d’ Haîti.
En 1821 Les colons espagnols de Santo Domingo proclament leur indépendance.




En 1822 Les Haïtiens envahissent l’île pour 20 ans., et ce malgré la résistance clandestine d’un triumvirat dirigé par Jean-Paul Duarte, devenu depuis le plus grand héros national.
27 fév.1844 la colonie officialise son indépendance et devient République Dominicaine

1844-1916 C’est 60 années de troubles pendant lesquelles le “gendarme du monde” met en pratique la Doctrine Monroe, énoncée en 1823, qui fait de l’hémisphère américain une chasse gardée des Etats Unis .

1916-1924 Les “ Marines” envahissent la République Dominicaine et l’occupent militairement et économiquement.Les infrastructures (routes,enseignement) s’améliorent


1930 - 1961 Dictature du Général TRUJILLO . Sans commentaires autres qu’ un rappel
(la dictature étant “un homme en acier et tous les autres en tolle”) à savoir que contrairement à une dictature idéologique, notre Rafael Leonidas, à l’instar de Ceucescu ou de Sadam Hussein , a confondu le pays et ses biens personnels :
nombrilisme , népotisme , concussion dans le seul but de son enrichissement.
Il est assassiné le 30 mars 1961. A quoi lui sert la 10ème fortune du monde ?


1961 - 1966 Putsch militaire et présidences fugaces


1966 - 1997 C’est jusqu’à ce jour les 30 années de l’ère Juaquin BALAGUER avec
- un intermède Guzman ( 78 - 82 ) qui se suicide à la suite de la découverte de détournements de fonds publics,
- un intermède Blanco ( 82-86 ), condamné pour corruption.
L’autocrate Balaguer est un nonagénère aveugle qui semblait attendre opiniatrement les élections de 1998 pour se représenter , mais fin juin 1996
il a été battu , de justesse, par Octavio Antonio ( Tony ) FERNANDEZ ( 1,85 m.- 85 Kg) né le 30 juin 1962 à San Pedro de Macoris.C’est un juriste très lié aux Américains. Epouse Clara le 14 fév.84. Ils ont un fils : Joel Octavio.

La République Dominicaine en chiffres
Superficie : 48.730 Km2
Population : 8 millions
Croissance démographique annuelle : 1,98%
Indice de fécondité : 3,34
Mortalité infantile : 57 pour mille
Population urbaine : 60%
Nombre de médecins : 1, 08 pour mille
P.I.B. : 8.460 millions de US$
P.I.B. par habitant : 1.130 US$
(Pour info : Cuba 1.678 US$ , Haïti 300 US$)
Croissance économique annuelle : 3%
Taux d’inflation : 3, 3 %
Import : 2.475 millions de US$
Export : 550 millions de US$
Principaux clients : USA 62% , CEE 23% , Amérique latine 3,5 %

Ethno-sociologie
Comme au Brésil où les visiteurs superficiels découvrent que le racisme est inexistant, la République Dominicaine semble offrir un climat serein en la matière. En gros il y a 10% de Noirs ( descendants des esclaves africains), 16% de Blancs (originaires d’Europe ou des USA) et 74% de mulâtres et tous paraîssent vivre en bonne harmonie.
Cependant, économiquement, il est évident que les Blancs ont un niveau de vie de 10 à 100 fois supérieur à celui des Noirs, que très peu de Blancs souhaitent s’expatrier et que ceux qui rêvent d’émigrer ( illégalement dans 95% des cas et au rythme de 2.000 par mois ) vers Puerto Rico où le PIB par hab. est 10 fois plus élevé qu’à St Domingue, sont des Noirs ou des mulâtres foncés qui espèrent, en ultime étape, rejoindre les USA où le PIB est 25 fois le leur. Quoi qu’il en soit, le Smic ( 700 Frs) est rarement honoré.
50% des Dominicains ont moins de 14 ans.
95% de la population sont, par tradition, catholiques, ce qui n’empêche pas, dans les campagnes les plus reculées, de pratiquer le vaudou.
L’opposition politique n’a pas le droit au chapître. Seuls quelques intellectuels savent déjouer la censure par le biais de la littérature ( l’Université de St Thomas d’Aquin est un foyer actif), la musique et la danse, dont le “ meringue” est la forme la plus populaire.

Pratico-pratique
Si dans un moment d’aberration tout à fait compréhensible, il vous arrive de louer une voiture ( Hertz, Avis, Budget, Nelly) à 300 Frs par jour, sachez
- qu’il est déconseillé de dépasser le 60 Km/h
- que même assuré le loueur impose une franchise de 3.500 Frs
- que si vous êtes impliqué ( ou simplement témoin) ne serait-ce que dans un accrochage, vous pouvez vous retrouver au trou pour qq.heures, voire qq. jours,
- que les policiers ont parfois la fâcheuse habitude, comme au Sénégal, de vous
solliciter pour la soudure domestique, surtout en fin de mois.
Usez plutôt des taxis ( pour le moto-taxi, le casque est vivement recommandé) ou des “wawa” que vous pouvez arrêter n’importe où sur la route. Le confort y est spartiate, mais le bain initiatique en civilisation est inclus dans le prix ( modique).
L’auto-stop ( pour les hommes) est populaire, aisé et sûr, comme au Costa Rica et les autochtones sont d’une gentillesse qui vient à bout du plus blindé des coeurs.
A chaque paiement par Visa ou autres cartes, contrôlez toujours dans quelle monnaie s’annonce votre ” debit-note” Le cas échéant corrigez le “ US$” en “RDS” (= peso de la Rép.Domin.)
Si vous postez une liasse de cartes postales ( attention le mot “ carta” signifie “ lettre”) affranchies, entrez donc dans le bureau de poste et demandez à la dame des PTT (correos) le timbre-dateur pour composter vous-même vos envois, et , pour lui sauver la face, dîtes lui que c’est pour raison philatélique.


Le Vade-mecum du non-hispanisant


Je suis Français de France Soy francès de Francia
Bonjour ! Salut ! Hola
Comment va ? Qué tal
Merci Gracias
mon prénom est. . . mi nombre es . . .
Parlez-vous français ( anglais) Habla usted francès ( anglès)
trop cher muy caro
meilleur marché màs barato
des timbres s.v.p. sellos ( estampillos) por favor
c’est super bomba
prends moi en stop dame una bola
un peu un chele
beaucoup una rumba
une sieste una pavita
un sac plastique una funda
Au revoir ! Hasta luego

La Isla Hispanola du côté ouest ,
ou le paradis infernal (publication du 21 mai 1965)

“Cette terre escarpée est le royaume de Dieu “ Christophe Colon 12 sept.1504

C’est Christophe Colomb qui l’appela La Isla Hispanola car elle lui rappelait l’ Espagne. Pour les Espagnols et les Français qui vinrent à sa suite, pour les Indiens qu’ils massacrèrent, et pour quiconque se trouvait ces derniers temps à portée de fusil, l’ Ile espagnole ressemble d’avantage à l’enfer sur terre qu’au paradis tiède et jasminé qu’elle pourrait être.
Ce printemps 1965 voit le 3ème débarquement en 50 ans des troupes américaines sur l’ Ile des Caraïbes qui devint la première colonie espagnole permanente du Nouveau Monde. De la capitale de Saint-Domingue, Ponce de Leon vogua vers la Floride, Balboa découvrit le Pacifique, Pizarro envahit le Pérou et Cortez conquit le Mexique. C’est là que fut construite en 1514 la première cathédrale de l’Amérique latine et en 1538 la première université. Même alors c’était une terre de violence où la loi se faisait au couteau, où les capitaines castillans n’hésitaient pas à couper les oreilles d’un Indien désobéissant ou à laisser leurs chiens l’éventrer.
Par la guerre, la ruse et les traités, la France prit possession de l’ Ile vers la fin du XVIII°s. Groupés sur le tiers occidental de cette terre montagneuse, les Français firent venir des milliers de colons et , de concert, un grand nombre d’esclaves africains. Les Français appelèrent l’ île caraibéenne “Saint Domingue” et la surnommèrent “ la Reine des Antilles” , à juste titre. En 178 son commerce extérieur frisait 70 milliards de francs par an, avec les bénéfices énormes tirés du sucre, du café, du cacao, du coton et de l’indigo. Peu d’années passèrent avant que les 40.000 Blancs ne dominent les 450.000 Noirs.
Une nuit d’août 1791, les esclaves opprimés se révoltèrent. Armés de fourches, de torches et de machètes, ils massacrèrent, au chant des lamentations vaudou, 2.000 planteurs français et leur famille dans l’ouest de l’ Ile.
La lutte dura plus de 10 ans. De France arrivèrent 20.000 soldats pour écraser la rébellion. Dix mille moururent de la fièvre jaune, le reste fut mis en déroute. En 1804, un ancien esclave, J.J.Dessalines, proclama Haïti nation libre et indépendante et devint Gouverneur général. “ Pour rédiger la charte de notre indépendance, dit-il, il nous faudrait la peau d’un Blanc comme parchemin , son crâne comme encrier, son sang comme encre, et une bayonnette comme plume “. Trois ans plus tard la balle d’un assassin mit fin aux jours de Dessalines. Son successeur, Henri Christophe, se soucia peu de chartes, noire ou blanche. Il se proclama roi, instaura une aristocratie grotesque ( comprenant par exemple des titres tels que Duc de Marmelade, Comte de Limonade) et dirigea en despote impitoyable jusqu’en 1820, date à laquelle ses officiers s’étant révoltés, il se suicida .
Au siècle suivant, les dictateurs se succédèrent en Haïti. En 1910 des révoltés avaient chassé 13 des 18 premiers Présidents. Puis en l’espace de 47 mois, un Président fut victime d’une explosion dans son palais, un autre fut empoisonné, trois furent déposés et le dernier fut lynché par la foule et réduit en lambeaux.
En 1915 le Président Woodrow Wilson envoya les “marines” pour occuper le pays. Ils y restèrent 19 ans et Haïti connut alors un semblant de paix. En 1934 les Marines s’en allèrent, laissant le pays à son destin: 9 gouvernements en 20 ans, le dernier dirigé par François Duvalier, dit Papa Doc, 58 ans, ancien médecin de campagne, qui fut installé en 1957 et se proclama “ Président à vie” . Ses armes : le mysticisme vaudou et une police aussi secrète que terrible, les 5.000 tontons macoutes

Des 4,5 millions habitants, 90% sont illettrés. La durée moyenne de la vie est d’environ 33 ans, le revenu annuel est réduit alors à 350 Frs . “ Les Haïtiens, dit Duvalier de sa voix suave, sont destinés à la souffrance “ . Si son peuple se plaint, il peut prier. Un catéchisme de la Révolution est sorti des Presses governementales il y a 15 jours et circule à Port au Prince. L’ Oraison dominicale en est la suivante : “ Notre Doc, qui êtes à vie dans le Palais National, que votre nom soit sanctifié par les générations actuelles et futures, que votre volonté soit faite à Port-au-Prince et dans les Provinces. Donnez-nous aujourd’hui notre Haïti rénové et ne pardonnez jamais les offenses des ennemis de la Patrie qui chaque jour ont craché sur notre pays, qu’ils succombent à la tentation et sous le poids de leur propre venin. Ne les délivrez d’aucun mal. Amen “.

A l’est de l’ Ile, dans la République Dominicaine, on parle espagnol plutôt que créole, le sol y est plus fertile et la densité de la population de 50% inférieure. Le point commun : un chaos historique. Comme en Haïti , des rebellions sanglantes ont chassé les Governeurs européens, d’abord les Français en 1809, puis les Espagnols qui avaient tenté de réaffirmer leur domination. A peine la République dominicaine eut-elle proclamé son indépendance en 1821 qu’elle fut envahie par les Haïtiens qui occupèrent le pays pendant 22 ans. Les prêtres étrangers furent bannis, interrompues les relations avec le Vatican, fermée l’Université de Santo Domingo et instaurés les impôts spoliatoires. Ce n’est qu’en 1844, Haïti étant déchirée par la guerre civile, que la République dominicaine se libéra, mais dans les 70 années qui suivirent, elle fut le théâtre de 22 révolutions. En 1869 les Dominicains tentèrent un rapprochement avec les USA et acquirent le soutien du Président Ulysses Grant. Washington refusa l’annexion.
En 1916 commença une occupation américaine de 8 ans. Une police fut créée qu’utilisa, dès 1930, un nouveau dictateur, Rafael Trujillo Molina, colonel ambitieux qui devait diriger le pays pendant 31 ans. Les titres favoris de Trujillo étaient : Bienfaiteur de la Patrie, Protecteur de l’ Ouvrier, Génie de la Paix. Il imposa l’ordre dans son pays, véritable poudrière, construisit des hôpitaux, amènagea le réseau routier, favorisa la construction pour loger ses trois millions de citoyens, améliora l’adduction d’eau et fit reculer l’analphabétisme. Les affaires prospérèrent et Trujillo surtout. On a estimé sa fortune à 4 milliards de francs. Sa famille possédait 65% de la production sucrière, 12 des 16 sucreries, 35% de la terre arable. Ses demeures : une douzaine de palais et fermes dispersés sur le territoire, chacun pourvu du personnel domestique au complet qui devaient entre autres obédiences, ponctuellement préparer chaque repas, chaque jour, pour le cas où le” Protecteur” s’aviserait de passer.
Des milliers d’adversaires politiques sont morts, qui dans les cellules secrètes de la police, qui lors d’accidents de la route, qui par “ suicides” laissés dans le mystère. Le matériel coercitif comprenait des chaises pour électrocution lente, un appareil électrique agrémenté de vis minuscules à enfoncer dans le crâne, un collier de caoutchouc que l’on resserrait jusqu’à décapitation, des arrache-ongles, des fouets et autres marteaux de caoutchouc. Les cris provenant des salles de torture pétrifiaient les prisonniers dans l’attente de leur tour. Trujillo joignait à la variété, la quantité.Une nuit d’octobre 1937, il ordonna à l’armée l’élimination de tous les squatters haïtens. Le flot sanglant coula 36 heures : 15.000 hommes, femmes et enfants furent massacrés.
C’est en 1961 que Trujillo perdit la vie. 4 personnes armées arrêtèrent sa voiture sur une route déserte aux abords de la capitale et la criblèrent de balles. Depuis 4 ans la République dominicaine a vu 4 coups d’état et 5 changements de grouvernements.La démocratie reste un vain mot sur cette terre qui n’a jamais connu d’autre loi que la force, sur ce paradis infernal. Bernie Mai 1965

CHILI IN-CARNé

On appelle “ chili “ dans l’ Amérique latine culinaire une sorte de condiment fort relevé à base de piment.

Je ne voulais pas quitter le sud de l’Amérique latine sans passer quelques jours au Chili que je n’avais pas visité depuis trente ans . D’une superficie moitié plus grande que la France, ce magnifique pays de quinze millions d’habitants offre au visiteur toute l’année le climat de son choix avec 4.000 Km de latitude et de côtes à l’ouest et à l’est la Cordillère des Andes dont le sommet - Aconcagua - domine Mendoza en Argentine et Santiago du Chili de ses 7.000 mètres.
De plus et ce n’est pas négligeable la vie coûte beaucoup moins cher qu’en Argentine et les Chiliens s’avèrent des hôtes aussi chaleureux et accueillants que les Argentins.
Ma première journée de visite s’organisa autour d’une réunion d’amitié dont les organisateurs portaient des noms qu’on n’oublient pas aisément : Luis Salazar vint m’accueillir à l’aéroport en compagnie de Raul Castro et de Luis Pinochet. Ils m’emmenèrent au centre ville, exactement au Cercle des Officiers des Forces Armées où notre amphitryon se prénommait Napoléon. Après l’apéritif national , le “pisco sour” , repas délicieux de “ parrilladas” (barbecue) et de “ chancho en piedra “ (sorte de ratatouille avec ail, citron, poivron et coriandre) arrosés de vins locaux de la vallée de Maïpo qui n’ont rien à envier aux meilleurs crus français. Comme dessert un “ dulce de leche “ onctueux qui pourrait ressembler au turon espagnol, mais un tantinet plus fluide. Nous nous sommes mis à table à 14h45 pour n’en sortir qu’à 18h.
Je n’ai pas perdu la moindre occasion d’interroger mes hôtes et les Chiliens de rencontre sur le cas Pinochet. A ma très grande surprise tous , et je m’étais adressé à toute sorte de gens, louaient le dictateur militaire. Non bien sûr pour la répression violente qui fit périr presque mille personnes, mais pour le redressement économique qu’il assura au pays. S’il reste un monstre pour ceux qui ont souffert de ses nervis, il est pour la grande majorité le sauveur du Chili. Le hasard m’a appris que le sinistre Augusto descendait d’une famille bretonne.
Il est évident que tout semble fonctionner dans ce pays: l’espérance de vie est la meilleure de toute l’Amérique su Sud; l’analphabétisme est inexistant, la scolarisation presque totale; le PIB avec $12.000 par habitant est le plus élevé de cette partie du monde et la dette extérieure de loin la plus basse. Dans quelques jours auront lieu les élections présidentielles et partout fleurissent les panneaux des divers candidats, aux feux rouges et aux divers carrefours. Le Président Eduardo Frei, élu pour six ans en 1993, se sent à l’aise. La croissance est de 7% et le chômage, sous sa présidence, est passé de 21% à 6%. Même si le cuivre dont le Chili est le premier producteur mondial a vu son prix baisser ces derniers temps, jamais le niveau d’épargne n’a été aussi haut et nombreux les investissements étrangers.
Une des raisons de la baisse du chômage est le fait que les chômeurs ne reçoivent plus d’indemnité. Ils doivent donc travailler pour vivre et partout les petits métiers font florès. Le prix du ticket de métro coûte 200 pesos aux heures normales, 260 aux heures de pointe, et 70 pesos pour les plus de 60 ans. A part le cuivre le Chili exporte de l’or, de l’argent, du fer, du bois, des fruits les meilleurs de l’hémisphère américain et tient le 3ème rang mondial pour le poisson. A l’instar de l’Union européenne, il existe en Amérique latine le “ Mercosur” (= marché commun des pays du sud) dont sont membres le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et l’Argentine. Le Chili en froid avec l’Argentine pour des raisons remontant aux Falkland/Malouines n’est que membre associé.
Je me suis borné au centre du Chili car plus intéressé par les gens que par les panoramas c’est là que se regroupe 76% de la population à 91% catholiques, dont Santiago ( = St Jacques) et Valparaiso (=vallée du paradis) où vit près de la moitié de la population chilienne. Un Manchois, ancien de l’Ecole Germain, s’occupe des marins de Valparaiso et des jeunes,porteurs du HIV, le Père Bernard Durier.
Pendant tout mon séjour il m’a plu d’être exempté de la TVA ( 18%) chaque fois que je payais en dollars.
Contrairement au Brésil et à l’Argentine, il semble que les croisements raciaux soient fréquents au Chili. Une très mince minorité blanche, espagnole et créole, tient , face à la classe moyenne de “ mestizos”, les grandes propriétés foncières et les superbes complexes touristiques de la plage de Vina del Mar .
Le merveilleux poète Pablo Neruda nous est connu en fait grâce à sa qualité de communiste. Il était sénateur et dut s’exiler. Au printemps 1987 Jean-Paul II débarque à Santiago et endosse le voeu de démocratisation du clergé. Il y a malheureusement confusion entre le gouvernement et l’église et même les “ gauchos “ sont de droite .
Il paraît que la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté ( précisé par l’ ONU); Mais on ne voit pas la misère. Tout le monde est élégamment habillé et arbore un sourire engageant. “ Si on a assez pour faire la fête de temps en temps. . . On la fait. Et que Dieu pourvoie à nos besoins demain !”






Même si l’ubiquité de la police, aux alentours de la “ Moneda” - en casque allemand s’il vous plaît - peut déranger le visiteur français, la population chilienne ne semble pas s’en émouvoir. Tournez le coin et vous voilà dans un square fleuri à profusion - c’est qu’au Chili novembre est la saison des cerises - au milieu duquel un vaste kiosque à musique, comme chez nous autrefois, abrite du soleil un orchestre de 45 musiciens en blazer bleu déversant , en semaine après 17h, sur quelques centaines d’adultes et d’enfants les airs du répertoire classique ou les “ salsas “ à la mode, interdites sous la dictature.
Une autre coutume perdue dans notre vieille Europe, tout au moins en France, mais qui semble très vive dans les avenues de Santiago : la composition poétique. J’ai rencontré plusieurs poètes de la rue qui disent, lisent ou composent leurs vers à qui veut les écouter. De petits cercles se forment sur les larges trottoirs. Ces rassemblement favorisent la convivialité. Contrairement aux Français les Chiliens se parlent dans la rue, se congratulent sans se connaître et se quittent amis. L’impression de confiance règne. Il m’est arrivé à diverses reprises d’arrêter une dame pour demander mon chemin. En France dans la même situation, ai-je souvent remarqué, surtout à Paris, un instinct de méfiance , la dame reculait d’un demi-pas. Ici non seulement la crainte n’existe pas, mais votre interlocutrice s’approche de vous et engage d’elle-même la conversation : “d’où venez-vous ? aimez-vous la capitale ? “. Et une fois sur deux elle prendra congé de vous en vous embrassant sur une joue. Il est un fait que l’on s’embrasse partout au Chili comme en Argentine . C’est tellement mieux que de faire la guerre !
Avec Cuba , le Chili est certes le pays le plus sûr d’Amérique latine ( les plus dangereux étant le Vénézuela et le Nicaragua) . Autant Buenos Aires donne, à côté de son urbanité très parisienne, l’allure d’une ville fortifiée avec ses barreaux aux fenêtres, ses grilles acérées, ses portes automatiques blindées et ses vigiles patibulaires à tous les coins de rue, autant Santiago vous remplit de quiétude.
Si un timbre pour carte postale vers l’étranger coûte 9 F. en Argentine, ici c’est 2,5 F. J’ai téléphoné de Los Andes en France; la communication immédiate et d’audition excellente m’a coûté 8 F. la minute.
Comme en Californie les tremblements de terre sont quotidiens, mais de très faible intensité.Il ne vous reste qu’à remettre droits les cadres du salon chaque matin.
Comme en Argentine vous n’attendez jamais un taxi plus de dix secondes et la prise en charge n’est que de quatre francs. Très bon marché , ils permettent une utilisation constante et ajoute à votre plaisir car les chauffeurs sont diserts,honnêtes et très aimables.
En faisant mes courses au “ supermercado “ d’Alameda, j’ai noté avec plaisir que les ménagères n’avaient pas à remplir ni porter leurs sacs de provisions, un jeune homme en uniforme s’en charge, avec le sourire, de la caisse à la voiture. Voici tout un tas de petits métiers ( caddies, porteurs de gare, cireurs, etc.) qui rendraient la vie plus facile et fourniraient des emplois. Il est vrai que chez nous souvent la peau d’ Ane rend allergique au travail manuel.
Avec le castillan , on se débrouille très bien au Chili. Il suffit de noter dès l’abord quelques différences verbales. La langue est beaucoup plus douce que dans la péninsule ibérique et souvent fort imagée. Il est recommandé de mémoriser certains mots espagnols d’usage tabou outre-Atlantique comme le verbe “ coger” qui a Madrid signifie “ prendre “, et à Santiago “ forniquer”. “ Pollera” qui en espagnol veut dire “ marchande de poules” a le sens de “ jupe “ à Mendoza . Que pensez-vous du mot “titilliante” pour “ clignotant “ ?
Pour vous mettre en confiance , le personnel d’accueil à l’aéroport international de Santiago distribue aux voyageurs étrangers un document qui dit : “ Ami touriste ! Dîtes-nous tout ! Si vous n’êtes pas bien traité; si les services privés ou publics laissent à désirer, si vous vous considérez escroqué; appelez- nous tout de suite, nuit et jour , et nous réparerons tout manquement”. Suit une liste de villes chiliennes avec le numéro téléphonique vert des municipalités.

Si le centre du monde fut la Méditerranée pendant quatre-mille ans, l’Atlantique ces deux-cents dernières années, je suis persuadé qu’il se situera dans le Pacifique au XXI°s., avec la Chine et les “petits dragons” à l’ouest, l’Australie vide comme vase d’expansion au sud , et la Californie et le Chili à l’est .

Si la vie vous paraît fade, un peu de Chili lui donnera du goût .

B e r n i e

Argentine et Chili



Le 3 octobre 1993 Carlos Menem considère le résultat des élections comme un plébiscite. Vainqueur avec 42,3% des voix et 128 députés ( 50%) devant l’ Union civique (30%), laissant la droite (5,4%) et la gauche (3,7%) à l’écart, Il est vrai que depuis avril 1991 ( Plan Cavallo) stabilité politique et croissance économique plaisent au peuple.
Octobre 99 : Fernando de La Rua ( Maire de Buenos Aires) bat Carlos Menem de quelques points.


De même au Chili , le démocrate chrétien Eduardo Frei, mène-t-il avec succès le pays à la tête de la Concertation ( coalition de centre gauche) comme second Président élu démocratiquement après 16 ans de dictature militaire. Taux de chômage: 4%.



Deux démocraties présidentielles en chiffres



Argentine Chili


Superficie 2.770.000 Km2 757.000 Km2

Population 34 Millions 14 Millions
Croissance annuelle 1,18% 1,60%
Indice de fécondité 2,80 2,65
Mortalité infantile 29 pour 1000 17 pour 1000

Analphabétisme 4,5% 6,2%
Nombre de médecins 3,03 pour mille hab. 0,46 pour mille

Croissance économ.95 6% 6%
P.I.B.par habitant US$ 6.150 US$ 2.900
Pour Info: France $22.500 Danemark $27.000 USA $25.000 Brésil $ 2.700
Taux d’inflation 11% 12%
Import (Millions $) 16.000 11.000
Export “ 13.000 9.000
Princ.clients:USA10%,CEE31%, Am.Lat.33% USA17%,Jap.16%, CEE29%

ARGENTINE : le pays de l’or et de l’argent
Pour les conquistadores le pays conquis fut d’abord l’ Eldorado (= la dorée). Les siècles passant elle n’est restée qu’ Argentine (= l’argentée ) et si le mot latin d’alors s’oubliait, le mot castillan serait là pour la remémorer : Rio de la Plata (= fleuve d’argent ).

La dictature militaire semble définitivement du passé, mais la corruption persiste. Signes irréfutables : l’indexation du peso sur le dollar américain , la facilité avec laquelle on peut payer avec le billet vert, et comme me l’a avoué mon hôtelier : une fraude fiscale massive.

Nouveauté cependant : il y a quelques années l’inflation était de 3% par jour ; je l’avais noté lors de ma précédente visite en 1969 lorsqu’à la Poste, j’achetai des timbres. L’employée m’avait demandé: “ Comptez-vous poster vos lettres aujourd’hui? - Oui bien sûr, mais pourquoi cette question ? - Parce qu’avec l’inflation , l’affranchissement pour la France sera peut-être plus cher, demain ! “ . Un fait qui me surprend toujours : le monde est de plus en plus petit, et pourtant les tarifs postaux augmentent sans cesse. Aujourd’hui l’inflation est de O,2 % par an et la croissance de 7,5 %; quant au PIB par habitant, il se situe à 54.000 F. Le chômage augmente dangereusement. Il frise les 18 %. Exportations et importations s’équilibrent mais la dette extérieure atteint la somme de 700 milliards de francs.

Carlos Menem , le dernier des péronistes, qui , tout compte fait, n’a pu briguer un troisième mandat , a dû laisser la place,fin octobre, au “ majadero” (= casse-pieds) de La Rua , maire de Buenos Aires qui ,dit-il, veut consacrer toutes ses forces à la réforme de la fiscalité , à la flexibilisation du marché du travail et à l’éradication de la corruption. Puisse-t-il réussir !

A la banque on n’a pas voulu de mes francs. Vexant !

Comme aux Philippines, il semble que la terre argentine appartient à quelques familles richissimes pour la plupart débarquées d’Espagne ou d’Italie au XIX°s. Qui a dit : “ Les Péruviens descendent des Incas, les Mexicains des Aztèques et les Argentins . . . du bateau “ ?

Beaucoup des habitants des sierras de Cordoba travaillent dans les mines d’or, d’argent et de cuivre, mais aussi de pierres semi-précieuses comme la rhodocrosite, emblème minérale de l’Argentine. “Rhodo” est une racine grecque qui a le sens de “ rose “, pour indiquer les couleurs variées de cette pierre, également appelée “ dialogite “ .

Amusant de noter que dans l’avion qui m’emmenait à Sao Paulo, les trois-quarts des passagers étaient argentins et plus de la moitié transportaient autour du cou des chapelets d’oignons.

J’aime la fleur-emblème rouge de l’Argentine: elle se nomme “ ceibo”
B e r n i e
Déc. 1999

La victoire de Waterloo

Lorsque tout jeune je débarquai en Angleterre pour la première fois, je ne fus pas peu surpris de découvrir comme noms de rues, d’avenues ou de places, des batailles qu’à l’école le professeur d’histoire avait citées comme des défaites de la France. Et pour cause ! Qui penserait inaugurer à Paris un boulevard Trafalgar ?

Ma surprise ne fut pas moindre en découvrant dans la longue liste des jours de fête argentins , la date du 10 juin, jour férié. C’est pour célébrer la “victoire” des Argentins aux Malvinas ( Malouines) sur les Anglais ! me dit-on. Et moi qui croyais que , malgré l’aide des Exocet
( “ friendly weapon”) français, c’était l’Angleterre qui avait gagné.

Que de bruit, que de morts , que d’argent gaspillé pour cet archipel désolé , perdu à plus de 500 Km de la Terre de Feu !

Après avoir été découvert par Magellan en 1519, puis par l’Anglais John Davis en 1592 , un siècle plus tard appelé du nom de Caray, vicomte de Falkland, ministre de Charles I , ensuite revendiqué par Bougainville pour la France de Louis XIV en 1764 et nommé “ Malouines “ en hommage aux marins de St Malo dont les descendants acadiens s’étaient réfugiés là, chassés du Canada par les Anglais, cet archipel inhospitalier avait été rendu à l’Espagne en 1767, puis capturé par les Anglais.

Le fait est que les Anglais en avaient été chassés le 10 JUIN 1770 et que le nom français avait été hispanisé de Malouines en Malvinas par les Argentins. Et c’est cette victoire qui est chaque année fêtée en Argentine sous les banderolles “ Las Malvinas son Argentinas “.

Julio Galindo , un ami rotarien , m’a expliqué comment cette guerre de juin 1982 a éclaté : d’une part le Président Galtieri voulait faire oublier les exactions des dictatures militaires successives en provoquant un sursaut de l’unité nationale argentine, et d’autre part, Margaret Thatcher souhaitait, elle , faire oublier les rigueurs de sa politique d’austérité. Et voilà comment on n’hésite pas à sacrifier près de mille hommes pour requinquer , ici et là, une cote de popularité en cachexie .

Cette guerre inutile de deux mois arrangeait en fait tout le monde. Ce qui m’a étonné : Julio ne parle pas de Falklands ni de Malvinas. Il répéte sans cesse “ las hermanitas perdidas son Argentinas “ (nos petites soeurs perdues font bien partie de l’ Argentine ).

B e r n i e
Cordoba 22 déc. ‘99

La “petite Eve” d’Amérique latine

Comme tout un chacun j’avais entendu parler d’ Eva Peron en son temps, comme beaucoup j’avais apprécié le “ musical “ américain Evita , mais c’était tout et les ans passant j’ en avais même oublié la famille PERON. Jusqu’à ce soir d’octobre où je rencontrai Carlos Alberto dans une boite à tango de Buenos Aires. C’était un vieillard vaillant qui depuis la mort d’EVITA en 1952 s’était retiré du monde pour finir sa vie dans un mythe partagé par nombre d’Argentins. Sa mère avait été confidente d’Evita et lui avait confié ses secrets .
Fille naturelle d’une provinciale, Evita Duarte était arrivée à Buenos Aires , en 1934 , accompagnant son premier amant. Elle avait 15 ans et voulait devenir actrice. En 1943 elle avait rencontré le Colonel Juan Peron, âgé de 48 ans dans la boite où elle tenait le rôle de “disk-jockey “ au salaire de 50 F par semaine. En 1945 Juan Peron est évincé de la junte au pouvoir. Deux mois plus tard , Evita et Juan se marrient.
Son charisme fait qu’immédiatement le peuple argentin adore EVITA.
Frappée d’un cancer , elle meurt dans la soirée du 26 juillet 1952 à l’âge de 33 ans .
Son corps est expédié en Espagne chez le Dr Pedro Ara qui remplace son sang par de l’alcool, puis par de la glycérine. Au bout d’un an de travail qui a coûté plus de 500.000 F l’embaumement d’Evita fait que sa peau est devenue translucide.
En 1955 Peron est renversé. Il s’exile en Espagne et réclame le corps de son épouse. Le président Léonardi refuse son retour en Argentine et ouvre la résidence des Peron au public : dans le garage on découvre quinze voitures de sport construites sur mesures et deux-cent cinquante scooters et . . . cinquante millions de francs , en liquide, dans le coffre-fort. Peu après on trouvera que les Peron possédaient de nombreux nids d’amour dans la capitale, et dans l’un les joyaux fabuleux d’Evita.
En Décembre 1955 le corps d’Evita est dérobé. Il restera introuvable pendant seize ans. D’ Espagne des limiers ont suivi sa trace jusqu’au sud de l’Argentine, puis en Belgique, à Bonn , puis à Rome , à Milan pour terminer à Madrid en 1971 où Peron et sa nouvelle épouse le retrouvent.
En 1972 Peron revient en Argentine et recouvre la Présidence.
Le 1er juillet 1974 à la mort de Juan Domingo Peron, sa troisième épouse , Maria Estella Martinez, dite Isabel , devenue Présidente, fait revenir le corps d’Evita à Buenos Aires.

Les larmes aux yeux Carlos m’a parlé d’Evita pendant près de trois heures . Il m’avait donné rendez-vous le lendemain mais n’est pas venu.

B e r n i e 31.10.99

A r g e n t i n e cosmopolite
En visitant Buenos Aires, avec ses 13 millions de “ portenos “, vous pouvez faire le tour du monde dans la journée, si nombreuses sont les origines ethniques. A l’instar d’Athènes par rapport à la population totale de la Grèce, Buenos Aires regroupe le tiers de la population argentine.

Agréablement surpris par le prix modique des taxis, tous noirs et jaunes, je l’emprunte le plus possible. C’est certes moins rapide que le “subte” ( le premier métro de l’hémisphère sud), mais tellement plus confortable que le “ collectivo “ ( autobus) où vous manquez d’air tellement ils sont bondés. Les “tacheros “ ( chauffeurs de taxi) sont fort sympathiques et on apprend beaucoup avec eux. Un sur deux a, paraît-il, une fausse licence mais peu importe le taximètre est honnête. Etre taxi n’est pas comme à Paris une profession, mais un boulot d’appoint. C’est ainsi que votre chauffeur est architecte ‘dans le civil’, ou ingénieur ou même avocat.

J’ai conduit dans la circulation de Lagos, d’Istanbul, de Bangkok et du Caire et je suis encore vivant. Mais je ne sais si je m’en sortirais à Buenos Aires. Les “ portenos” ont l’air de forçats du volant et on a l’impression que les réglements ne sont pas obligatoires. Les voitures s’arrêtent, sans avertir, n’importe où, parfois au milieu de la chaussée. Mon dernier taxi, conduit par un étudiant en physique, était une vieille 404 .“ Elle n’est pas à moi, me dit Juan , elle est à mon père et il a roulé 30 ans avec. C’est la meilleure voiture que je connaisse. Celle-ci, ajouta-t-il , a bien un million de kilomètres et vous voyez, elle marche toujours “ .
Amusant: lorsqu’un Argentin vous dit qu’il va faire un voyage en Europe, il dit : “Je vais en Occident !”. A deux reprises j’ai voulu rectifier. Mais à quoi bon ? Après tout ils sont chez eux. Nous disons bien chez nous en français qu’on ne peut pas sentir quelqu’un qu’on a dans le nez !
Il est courant pour les “ portenos “ d’aller passer le mois de juillet - c’est l’hiver ici - en Mésopotamie. J’ignorais qu’il s’agit de la région située entre le Rio Uruguay et le Rio Parana, et qui n’a d’autre frontière avec le continent qu’une trentaine de kilomètres avec le Brésil. Avec une température moyenne annuelle de 20°C et une infrastructure hôtelière développée, la région ( “ entre deux fleuves” puisque c’est le sens de Mésopotamie ) regorge de touristes. Parlant températures, les Argentins ne tiennent aucun compte des thermomètres, ils ne se fient qu’à “ la sensation thermique”, une mesure fort subjective, mais au fond ils ont bien raison car c’est bien le taux hygrométrique qui compte pour la qualité de vie. Je me rappelle avoir connu - 52°C chez un fils à Winnipeg et souffrir moins qu’avec + 2°C à Tours sous la bruine. De même peut-on supporter les 100°C d’un sauna, alors que 25°C pendant la mousson à Saïgon c’ est fanchement insupportable.

La Mésopotamie, c’est aussi la région où se trouvent les stupéfiantes chutes d’Iguazu ( en langue guarani “ I “ c’est l’eau et “ guazu “ veut dire “ grand”) près desquelles Niagara a la taille d’ un jeu d’enfant. Je les trouve même plus spectaculaires que celles de Victoria en Zambie.

Si vous avez vu le film “ Mission “ , vous avez vu les chutes d’ Iguazu. La mousse de l’eau qui , de plusieurs étages sur 3 Km de long tombe de 100 mètres de haut dans un vacarme qu’on entend à 20 km de là, mêlée à la verdoyance tropicale où virevoltent les colibris et au rouge de la latérite compose une symphonie chromatique fort impressionnante. Ironie du sort: comme à Niagara c’est au Canada qu’il faut être pour les admirer alors que les chutes sont aux Etats Unis, de même ici c’est au Brésil qu’il faut être pour jouir du plus beau spectacle alors que les chutes sont en Argentine. C’est la 5ème fois que je les vois, mais la vue est toujours différente.

Les hôtels sont nombreux et de toute catégorie. J’ai préféré loger dans une des missions fondées au XVI°s. par les Jésuites. Celle que le hasard a mise sur ma route réunit toute la flore et la faune de la région sur une surface de cent hectares : yakarès, le crocodile de l’Amérique du Sud, poissons en tout genre dont des dorades d’un mètre de long et les féroces piranas. Dans les arbres les perroques multicolores côtoient les oiseaux-mouches que les locaux appelent “ pique-fleurs”. A l’entrée de la Mission s’élève un pin parana, vieux de mille ans, m’a-t-on dit, au milieu d’un superbe parterre d ‘ irupés écarlates.

Un alpaga, des nandous, des guanacos et un puma ont croisé mon chemin entre l’entrée et la réception alors qu’au dessus de nos têtes tournoyaient deux condors de grande envergure.
A mon retour vers Buenos Aires, au moment où je quittais la Mésopotamie, une parcarte routière annonça “ TIGRE “ , comme première agglomération au nord de la capitale.
Il ne manquait plus que l’ Euphrate !
B e r n i e 2 Janv.2000

Lacs, parcs et “mer d’eau douce”

Le Rio de la Plata que Diaz de Solis et ses découvreurs espagnols nommèrent
“El mar dulce”(= la mer d’eau douce) est le fleuve le plus large du monde, et un des plus courts : il fait 270 Km de long et 200 Km de large à son embouchure.

Dans le merveilleux parc national de Nahuel-Huapi ( nahuel= tigre, huapi=île) d’une superficie de 800.000 ha, près de Saint Charles de Bariloche, j’ai découvert une plante que je n’avais vu nulle part ailleurs si ce n’est dans la Bible des Rois Mages : la myrrhe, et en abondance. Les Indiens Vuriloches l’utilisent contre les nausées, et les marins contre le mal de mer .

Si on appelle cette superbe région la Suisse argentine, ce n’est pas seulement parce qu’elle ressemble à l’Helvétie avec ses lacs poissonneux, ses montagnes enneigées ( le Mt Tronador culmine à 3.600 mètres) , ses vastes forêts et les sports d’hiver, mais le parc a été l’idée de colons suisses, arrivés en 1925, qui bâtirent leurs maisons sur le modèle des chalets alpins. D’autre part ils y lancèrent avec succès l’industrie du chocolat.

Les chasseurs ( renard, cerf, biche, bécasse,sanglier,condors ) et les pêcheurs (truite, saumon) viennent du monde entier s’adonner à leur sport favori dans un havre de paix qui ne connaît pas encore la moindre pollution ( même les canots à moteur sont interdits). Un autre attrait: on ne rentre jamais bredouille.

Des amis m’ont emmené faire une longue marche dans le parc. Comme viatique , quelques sandwichs et un petit sac de toile qui attira ma curiosité: ils y avaient mis une poignée de feuilles vertes. C’était de la coca. Je n’y pensais plus quand après trois heures de marche sur un terrain accidenté les amis s’arrêtèrent et me conseillèrent de les imiter : il suffisait de mâcher ces feuilles. On avale le jus et on recrache les feuilles lorsqu’on ne peut plus rien en tirer. Cela sert de coupe-faim et , en altitude, c’est un bon remède contre la céphalée, causée par la raréfaction de l’oxygène.

Autrement la boisson nationale argentine est le maté , aussi appelé “ thé des jésuites” car ceux-ci ont été les premiers au XVI°s. à cultiver cette plante au Paraguay. Mais il est certain que les Indiens l’utilise àl’état sauvage, sous forme de tisane chaude ou froide depuis toujours. L’aspect est celui du houx, sans les piquants. Comme la coca le maté est énergétique, tonique et même excitant avec ses 3% de caféine. Bon pour la digestion et les voies respiratoires, le maté se boit partout et à toute heure du jour. C’est la boisson conviviale par excellence. On l’offre à l’étranger qui passe. On le consomme chez soi mais aussi dans la rue. D’où la surprise des touristes voyant les Argentins dans le métro ou le bus aspirant le maté dans une sorte de calebasse àl’aide de la “ bambilla” ( pipette de roseau ou de métal). Quand une famille est de sortie, elle n’utilise qu’un seul récipient, en bois ou en métal, et souvent une seule bambilla.

Surpris par le nombre de psychiatres, j’en ai demandé la raison car je n’ai pas , comme le fait est coutumier à Paris par exemple, rencontré une seule personne drolatique. Mais il paraît qu’ici si vous n’avez pas votre psychiatre attitré, on vous prend pour un fou, c’est un peu comme aux Etats Unis si vous prétendez que vous êtes athée.
B e r n i e
Nov. 99

Premier tango à Buenos Aires

Comment en 5 mots résumer l’ Argentine : polo, Peron , Maradona, gauchos et tango.

Du “ désert de sable” tropical ( c’est le sens du mot : Cuyo , en langue indienne mapuche , l’une des 23 provinces argentines) à l’australe et glaciale Ushuaïa, le tango est la bande sonore des 5.000 Km de route ( 3.700 Km à vol d’oiseau). Le tango est une composante de l’âme argentine dont l’ubiquité ne laisse de surprendre.

Il paraît qu’entre les deux guerres le tango avait mauvaise réputation. C’était une danse inventée par les fils et filles de mauvaise vie qui se retrouvaient dans les bas-fonds interlopes de Buenos Aires. Trois instruments de musiques suffisaient alors : un piano, un bandonéon et un violon.

Son succès en Europe incita les bourgeois “ portenos “ (c’est ainsi qu’on nomme les habitants de Buenos Aires) à l’adopter.

Ma bisaïeule mélomane m’avait bien initié à quelques figures du tango. A l’époque, elle n’avait, quand il s’agissait de danse, que Carlos Gardel à la bouche. Toulousain d’origine, il était devenu la coqueluche de l’Argentine. Vedette adulée d’Hollywood, il est mort en 1935 dans un accident d’avion, mais il est resté, depuis sept décennies, l’idole de tous les Argentins. Son portrait décore toutes les boites à tango de San Telmo.

Les formations ont maintenant plutôt six que trois musiciens , mais le code n’a pas changé. C’est toujours la même nostalgie lascive et virile qui fleure les réminiscences africaines et la force du flamenco andalou.

Je viens d’apprendre qu’à cause de la voix sensuelle de C.Gardel, le tango avait été mis à l’index par le Vatican en 1930 ! Une interdiction confirmée par la très catholique junte militaire en 1955. Depuis , la démocratie a fait des progrès.

Comme pour Evita , l’Argentine qui a besoin de mythes ne laisserait pas un instant sans fleurs la tombe de Carlos Gardel dans le cimetière de La Recoleta, non loin de celle d’Eva Peron. Mais ce que je n’avais jamais vu dans aucun cimetière du monde, c’est que le dieu du tango tient une vraie cigarette allumée entre ses doigts.

B e r n i e Nov.99

Février ‘97

St L U C I A ( 14°N - 61°W )


Dans l’arc de cercle des Petites Antilles ( Iles du Vent )

entre St Vincent au sud et Martinique au nord


Superficie : 620 Km2 ( = Paris intra muros x 6 )
Population : 125.000 hab.
Capitale : Castries

Rotary Club : 98 membres en 3 Clubs voisins
St Lucia fondé en 1966 à Castries
St Lucia Sud fondé en 1974 à Vieux Fort
Gros Islet fondé en 1993 (par et pour les Américains,il semble)

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Echangée une douzaine de fois ( entre 1605 et 1803 ) entre la France et la G.B.,
St Lucia est britannique depuis 2 siècles.

L’anglais est la langue officielle, mais les Noirs et les créoles ( descendants des esclaves ). parlent un patois français

Membre indépendant du Commonwealth depuis 1979.

Nombreux volcans ( éteints) :
Qualibou , Gimie ( 950 m.), Gros Piton, Petit Piton (750 m.)

Cultures : bananiers , cocotiers, + fruits , légumes, épices

Industries : alimentaires ( rhum )

Problèmes récurrents : cyclones , sécheresse ,maladies

Ressources : * Péages au port ultra moderne de Grande Baie du Cul de Sac
par les pétroliers

* Péages au joli port de Castries par les paquebots de croisière

Religions : 90% catho , 10% protest.

PNB annuel par hab. $1.900
Par comparaison : Cuba $1.700 , Saint Domingue: $1.130
Haïti $ 300 ( France $23.000 )

La saison à choisir si vous y allez : 10 janvier - 30 avril
Bernie














































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